Bonjour !
Il y a 3 ans, mon « mot de l’année », celui dont j’avais l’intuition qu’il allait représenter mon année était : germination. Début janvier 2019, J’avais mon premier rendez-vous avec le psychologue que je consulte depuis chaque semaine. C’est un gros investissement en argent, en temps, en émotions mais les effets sont incroyables. J’avais besoin d’en faire le bilan.
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Les psy que j’ai consultés avant, pour différents motifs
Rien à voir avec le reste de l’article, mais il y a plus de 15 ans, Doudou et moi avons consulté un sexologue pour m’aider à sortir de douleurs persistantes de type vaginisme (ce mot n’a pas été utilisé par le praticien et je l’ai découvert bien après dans les bandes dessinées de Cy « Le vrai sexe de la vraie vie« ). Je crois que ce qui m’a beaucoup aidée, en plus de ces 6 mois de consultations, a été de m’habituer à utiliser une cup.
Quand j’ai été enceinte du Béluga, j’ai décidé de consulter la psychologue associée au groupe de sage-femmes qui accompagnait cette grossesse, pour m’aider à régler ma relation avec mes parents. Car pendant plus de 10 ans j’ai fait des cauchemars horribles au moins une fois par semaine, et systématiquement avant de voir mes parents (quand on habitait en région parisienne je les voyais un week-end par mois environ). Et quand je voyais mes parents, j’étais très tendue pendant toute la première journée. Le lendemain cela allait mieux. Malgré des centaines d’heures à discuter du pourquoi et du comment avec Doudou (merci Doudou !), je ne comprenais pas du tout pourquoi cela se passait comme ça. En apparence tout s’était toujours bien passé avec mes parents.
Bref, en tout cas je n’ai fait qu’un rendez-vous avec cette psy, parce que tout ce qu’elle a trouvé à me dire c’est « votre famille est bizarre ». Certes, toutes les familles sont plus ou moins bizarres, et on fait quoi maintenant ? On en parle dans le vide pendant des années ?
Quand j’ai eu à nouveau un peu de disponibilité mentale et physique (passées les deux premières années avec le Béluga), j’ai cherché une autre psy, spécialisée en Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC). Mais celle que j’ai consulté m’a dit qu’elle ne traitait que les phobies « simples », donc pas ma « phobie de mes parents ».
Quand le Béluga a eu une phobie des médecins qui ne s’atténuait pas (vers trois ans), on a consulté pour lui une psychologue formée à l’approche d’Isabelle Filliozat. Elle a déclaré que le Béluga allait très bien, par contre « Madame, ce serait bien qu’on se revoie toutes les deux ». Ok, nouvel essai pour travailler sur ma relation à mes parents. On a fait des mois de consultations, elle me faisait parler de ma famille mais je n’avais pas l’impression d’avancer du tout.
On a arrêté les séances quand j’ai déménagé à Marseille, près de nos parents. On allait donc voir beaucoup plus souvent nos parents, pour des durées généralement plus courtes, par exemple parce qu’ils se relaieraient pour garder le Béluga les mercredis. J’avais donc l’espoir de me désensibiliser, un peu comme les allergiques.
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Le contexte, à Marseille
On a emménagé à Marseille à l’été 2016. La première année scolaire, j’étais en congé maternité + 6 mois de congé parental et je gérais la totalité des tâches domestiques à part le ménage (une responsabilité de Doudou). C’est donc moi qui gérais les relations avec nos deux couples de parents, à savoir les rendez-vous pour se voir en famille ou pour qu’ils voient les enfants, mais aussi la mise en place de règles de vie. Par exemple, quand nos enfants sont chez nos parents, ce sont nos parents qui décident ce qu’ils mangent. A l’époque, nos parents savaient que nous souhaitons qu’ils donnent aussi peu de produits animaux que possible à nos enfants (mais ils en donnaient à chaque repas) et aucun produit laitier (mais on faisait une exception à leur demande pour « le yaourt de brebis artisanal »).
Malheureusement, c’est le contraire de la désensibilisation qui s’est produit. J’avais l’impression d’étouffer, et la période d’avant Noël a été particulièrement difficile à supporter car à partir de mi-novembre j’angoissais de la trentaine de cadeaux que le Béluga allait recevoir de toute la famille élargie (y compris les voisins et les amis de nos parents) et aussi des cadeaux non désirés que j’allais recevoir.
Nos familles savent que nous sommes engagés sur le plan écologique et que notre souhait est notamment que le Béluga ait un nombre raisonnable de cadeaux (si possible fabriqués de manière responsable, mais là c’est carrément impossible à envisager pour eux). Mais aucun membre de notre famille n’accepte de participer à un cadeau collectif : chacun tient à offrir « le paquet de SON père Noël » (et 10 ans plus tard, on en est toujours au même point). Bref, ça me rendait dingue ! Mais Doudou me répétait qu’il ne fallait rien dire parce que « c’est Noël donc il faut absolument faire comme si on est content ».
L’année scolaire suivante, cela a été encore plus dur. Je n’avais toujours pas de mutation dans l’académie d’Aix-Marseille donc j’ai repris un an de congé parental. Les règles de vie de nos enfants chez nos parents se modifiaient au fil de l’eau et j’avais beaucoup de mal à le supporter. J’ai essayé d’utiliser mon blog pour évacuer mais cet article a été vécu comme une déclaration de guerre par une partie de ma famille. Et mon angoisse d’avant Noël a commencé encore plus tôt : mi octobre. J’ai essayé de consulter une kinésiologue. On a fait une séance intéressante, mais je sentais que j’avais besoin de plus d’aide que les séances occasionnelles qu’elle proposait.
L’année scolaire d’après, je n’avais toujours pas de mutation et plus la possibilité de prendre une troisième année de congé parental (depuis la dernière réforme, il faut qu’au moins 1 année sur les 3 soit prise par l’autre parent). Mais j’ai eu la chance de pouvoir reprendre à mi-temps, tous mes cours rassemblés sur un seul jour par semaine, dans un lycée parisien. J’étais donc à Paris du dimanche au lundi, pour enseigner à nouveau, une activité qui me plait énormément. Le Pinto était gardé chez une nounou, ce qui lui a permis de faire une année de transition vers son entrée à l’école maternelle. Cette année-là, j’ai commencé à m’angoisser pour Noël mi-septembre. En plus, Doudou tenait à ce que je gère seule le froid qui persistait avec la partie de la famille qui avait mal vécu mon article de l’année précédente. Moi j’avais fait de mon mieux jusqu’au maximum de mes possibilités, y compris aller seule en toute humilité, les voir pour crever l’abcès. Je me suis entendu dire et j’ai accepté énormément de jugements négatifs, sans que cela ne débouche sur une réconciliation claire.
En décembre cette année-là, j’étais une loque, à la limite du burn out – un burn out parental. Aller enseigner était alors ma planche de survie, le moment où je pouvais m’extraire de cet environnement où j’avais l’impression d’être enterrée vivante. J’ai imposé à Doudou de nous trouver une psychologue de couple, on a fait quelques séances avec elle mais sans résultats probants.
En parallèle, les nounous que je côtoyais au parc me faisaient remarquer certaines particularités du Pinto pouvant relever de l’autisme. J’ai donc cherché des informations sur l’autisme sans déficit intellectuel. Cela pouvait coller pour le Pinto… et pour moi ! C’était peut-être cela la clé de mes relations infructueuses avec ma famille ? De mon sentiment général de ne pas comprendre ni d’être comprise par qui que ce soit, y compris Doudou ? J’en ai parlé dans cet article.
Ainsi j’ai pris rendez-vous pour moi, en janvier 2019, auprès d’un psy spécialisé en autisme. Doudou m’a fait remarquer qu’il était aussi spécialisé en troubles de l’attachement, ce qui pouvait m’être utile selon lui. Moi, à l’époque, je pensais que mes difficultés pouvaient toutes s’expliquer par un autisme, donc j’ai pris rendez-vous uniquement pour évoquer un diagnostic d’autisme.
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Le faux positif de l’autisme
Consulter ce psychologue m’a immédiatement fait beaucoup de bien. A la différence de la totalité du monde qui m’entoure, j’avais l’impression que je pouvais tout lui dire : il accueillait et validait toutes mes émotions.
A partir de ce que je lui disais et d’une consultation avec ma mère, il a établi un diagnostic d’autisme sans déficit intellectuel, en précisant que j’étais à la limite du spectre. Cette étiquette m’a soulagée : elle mettait des mots sur mes difficultés et elle nous donnait des outils pour les gérer ! Par exemple, porter des bouchons d’oreilles à la maison quand je suis fatiguée, m’isoler quand je n’ai plus du tout d’énergie (notamment pendant le syndrome pré-menstruel), le fait que c’est désormais Doudou qui gère les relations avec nos parents (décider quand et où on se voit pour récupérer les enfants par exemple). Tout cela m’a fait énormément de bien, au quotidien. Et bonus : je me sentais entendue, au moins par Doudou et une petite partie de ma famille. Je sortais la tête de la terre.
Au printemps de cette année-là, j’ai eu la bonne nouvelle que j’attendais depuis 8 ans : une mutation à Marseille. Et forte du diagnostic d’autisme, j’ai eu le courage de demander à ne pas avoir d’heures supplémentaires dans mon nouveau poste, pour pouvoir m’y habituer dans de bonnes conditions – à la différence de mon premier poste où j’ai vécu 2 premières années catastrophiques (il faut dire que ça avait coïncidé avec l’arrivée du Béluga).
Après l’été, je suis passée à ma deuxième question : ma relation avec mes parents. Là, le psy m’a immédiatement demandé pourquoi je ne lui en avais pas parlé avant ! Je n’y avais pas pensé : dans ma tête c’étaient des dossiers séparés.
On a d’abord essayé la thérapie cognitive et comportementale. Mais au bout de plusieurs semaines, on ne voyait pas d’effet notable. On a alors essayé une nouvelle technique sur laquelle mon psy venait d’être formé : l’EMDR. Je vous en ai parlé ici.
Au bout d’un an et demi d’EMDR, mon psy m’a annoncé qu’il était convaincu que je n’étais pas autiste. Et presque un an plus tard, je suis totalement d’accord avec lui. Je ne suis plus dans l’état de délabrement qu’il y a trois ans. Et ce qui s’est passé dans l’intervalle, c’est que ce psy m’a permis d’assumer d’avoir des besoins, et qu’on s’est occupé ensemble d’émotions non digérées depuis ma toute petite enfance.
L’explication de mon psy, à laquelle j’adhère, est que mon profond sentiment de non appartenance est causé par plusieurs évènements très précoces (dès la naissance) qui ont empêché que je crée un attachement avec mes parents et m’ont mise dans une situation de carence affective – comme, j’en suis sûre, mes deux parents quand ils étaient enfants.
Toutes mes autres difficultés en sont des conséquences, comme la croyance que personne ne peut me comprendre, et mes difficultés sans lien apparent avec la psychologie comme la maladresse physique (je me cogne et tache souvent) et la sensibilité auditive. L’exceptionnellement bonne nouvelle qui va avec, c’est que l’EMDR me permet de guérir progressivement tout cela.
Ce n’est pas encore gagné pour que j’aie confiance en mes parents. Si mon raisonnement sait que je ne suis plus la petite fille qui accepte tout ce qu’ils demandent, par peur que la famille n’explose si je mets un grain de sable dedans, mes émotions profondes ne savent pas encore complètement que je ne suis plus en danger quand ils sont dans les parages. Ma relation affective avec mes propres enfants reste très imparfaite. Je continue à faire des cauchemars à chaque fois qu’une réunion de famille est prévue. Mais cela fait un bon moment que je n’ai plus fait les terribles cauchemars où des inconnus me poursuivaient pour me tuer pendant que j’essaye en vain de leur échapper en me demandant ce que j’ai bien pu faire pour mériter leur acharnement.
Je continue donc ma thérapie avec confiance et gratitude (et je sais ma chance d’avoir la capacité de la payer). 3 ans c’est long, mais je mesure le bénéfice que cela m’a apporté. Je trouve que mes « mots de l’année » le représentent bien.
Comme le propose Florence Arnaud, je choisis mon mot de l’année à la toute fin de l’année précédente en essayant de ressentir ce qui pourrait être une de mes tendances de l’année à venir. Et je suis impressionnée de leur pertinence ! Après « germination » pour 2019 (sortir la tête de la tête au lieu de me sentir complètement enterrée), il y a eu « boule de feu » pour 2020 (le retour de mon énergie intérieure).
En 2021, j’avais le mot « adultat » (oui j’invente des mots ! Celui-ci veut dire me considérer comme une adulte, notamment dans mes relations vis à vis des autres adultes – au lieu de systématiquement me mettre dans une position de soumission).
Avec le recul je peux dire qu’en 2021 il y a aussi eu « fantaisie » et j’en suis bien contente (devinez qui est allée chez le kiné déguisée en majorette pour l’exercice où on marche sur une barre en mousse en levant les genoux ?).
Pour 2022, ma première idée de mot a été « fierté » : je suis fière du travail accompli, que ce soit mon travail salarié, mes articles de blog, l’énergie que je mets pour accompagner mes élèves… Et là je me dis qu’elle (re)vient, ma confiance en moi !
Mais en fait je pense que mon mot 2022 est plutôt « verbalisation » : dans le sens de réussir à mettre des mots sur mes états intérieurs, mais aussi de parler réellement avec les autres au lieu de croire que c’est complètement inutile parce qu’on est trop différents et de mettre comme couvercle un sourire silencieux, même quand ça ne va pas.
Alors voilà, il me paraissait important de vous tenir au courant de ces changements, maintenant que je suis capable de mettre des mots dessus. 🙂
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Bon week-end !